Un développement accéléré et soutenu de l'agriculture est la clé
du développement économique et de la réduction de la pauvreté dans les
PMA. L'on a vu dans les sections précédentes que, dans ces pays, le
potentiel de l'agriculture est considérable mais que celui-ci n'a pas
été réalisé pour différentes raisons, notamment des contraintes
structurelles et technologiques, des politiques nationales mal avisées
et un environnement économique extérieur peu favorable. De ce fait, la
croissance de ces pays a été lente, la malnutrition s'est aggravée et la
marginalisation de ces pays dans l'économie mondiale s'est poursuivie.
Les défis auxquels sont confrontés les PMA sont si nombreux que
ces pays ne sont guère à même de formuler et de mettre en oeuvre des
politiques et des institutions efficaces dans le secteur agricole.
Néanmoins, le développement est un processus cumulatif et les succès
remportés dans un domaine ouvrent des possibilités nouvelles dans
d'autres. L'on a essayé, dans cette section, d'identifier les mesures
qui permettraient d'atténuer les contraintes qui existent sur le plan de
l'offre ainsi que d'améliorer la productivité et la compétitivité de
l'agriculture dans le cadre d'une stratégie équilibrée et durable fondée
sur les avantages comparatifs et tendant à atténuer la pauvreté.
L'analyse s'inspire de l'expérience acquise par la FAO sur le terrain,
ainsi que de l'aide que cette organisation a apportée aux PMA en matière
de formulation des politiques générales ainsi que des nouvelles
approches qui ont été élaborées à la lumière des enseignements tirés des
programmes de développement des 30 dernières années pour accélérer le
développement de l'agriculture.
A. ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE L'EXPÉRIENCE
Étant donné l'importance critique que revêt l'agriculture dans
la majorité des PMA, il faut bien comprendre comment l'expansion de ce
secteur pourrait être accélérée, l'ordre de priorités à établir et
l'impact que pourrait avoir une croissance plus rapide sur les niveaux
de pauvreté.
Au cours des 30 dernières années, la nature et les origines de
la croissance ont beaucoup varié d'un pays à un autre et, à l'intérieur
de chaque pays, d'un sous-secteur de l'agriculture à un autre.
Néanmoins, dans plusieurs pays, le secteur de l'agriculture s'est
développé rapidement, ce qui a eu un impact majeur sur la réduction de
la pauvreté et le développement économique au plan national. L'on peut
tirer de ces cas particuliers un certain nombre d'enseignements utiles.
L'un des plus importants est qu'il importe d'établir un ordre de
priorités et d'échelonner comme il convient les activités. Les
gouvernements ne peuvent en effet, pendant une période déterminée, que
faire un certain nombre de choses. La plupart des activités doivent être
menées à bien par le secteur privé et par le biais des marchés de
manière à permettre aux pouvoirs publics de concentrer leur attention
sur les domaines dans lesquels l'on ne peut pas compter sur le secteur
privé.
L'on ne peut pas dire qu'une expansion rapide de l'agriculture
dépende d'un certain nombre de conditions matérielles bien déterminées,
ni que le succès soit garanti par une série d'activités spécifiques.
L'on peut néanmoins, à la lumière des résultats obtenus, identifier un
certain nombre de thèmes et de schémas communs:
- Les trois principaux moyens d'accroître la production (expansion des superficies cultivées, modification de la composition de la production et progrès technique) varient en importance et sont fonction du niveau de croissance atteint. Les possibilités d'élargir les superficies cultivées sont limitées et, à mesure que de plus en plus de terres sont mises en culture, les possibilités d'expansion diminuent. En revanche, un changement de la composition de la production et le progrès technologique conservent toute leur importance pendant tout le processus de développement (aucun de ces deux éléments n'étant efficace à lui seul) et exigent l'existence de secteurs dynamiques et souples;
- Il faut offrir des incitations appropriées aux agriculteurs et garantir l'existence de conditions leur permettant de réagir à ces incitations. À cette fin, les pouvoirs publics doivent mettre en oeuvre des politiques macro-économiques saines de nature à faciliter la vente des produits agricoles aussi bien sur les marchés intérieurs que sur les marchés d'exportation, et mettre en place une infrastructure institutionnelle et physique propre à appuyer un large changement (en facilitant l'accès à la terre, au financement rural, aux connaissances techniques et aux services de communications et de transports);
- La base de produits indispensable à la croissance de l'agriculture peut varier (elle peut se composer par exemple d'exportations traditionnelles ou non traditionnelles ou de denrées alimentaires de grande consommation), mais il est naturel que les cultures soient intensifiées et que l'on abandonne progressivement les cultures de produits alimentaires de grande consommation à mesure que l'expansion économique se généralise car cela stimule la demande locale de produits à plus forte intensité de main-d'oeuvre dont l'élasticité par rapport aux revenus est plus élevée (comme les légumes, les fruits et les produits de l'élevage). Le secteur agricole devrait donc être à la fois dynamique et souple;
- Le progrès technique doit également être un processus continu mais, en ce qui concerne la production de denrées alimentaires de grande consommation, il s'agit d'une entreprise vaste et complexe que le secteur privé et les organisations de producteurs peuvent difficilement mener à bien, bien que l'expérience ait prouvé qu'il ne puisse pas être laissé entièrement entre les mains d'organismes publics. Un système local de promotion du progrès technique est indispensable si l'on veut que les technologies nouvelles correspondent aux besoins locaux changeants;
- Les effets et les avantages de la croissance agricole sont dilués lorsque le taux d'accroissement démographique est élevé et/ou lorsque la croissance est limitée à des secteurs ou régions géographiques étroitement circonscrits ou à un petit nombre de produits. Les liens qui existent, en produisant un effet multiplicateur, entre les activités agricoles et non agricoles sont importants aussi mais font parfois défaut. Si l'on veut promouvoir une expansion plus large et réduire la pauvreté, le développement de l'agriculture doit être large et être alimenté par des petites et moyennes industries rurales. Le développement de ces industries exige la mise en oeuvre de politiques industrielles appropriées et renforce encore plus la nécessité d'améliorer l'infrastructure, les services et les institutions en milieu rural.
B. LES DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT DE L'AGRICULTURE DANS UNE ÉCONOMIE MONDIALISÉE
Les PMA et les agriculteurs de ces pays se trouvent peut-être
aujourd'hui, à différents égards, en présence d'une situation plus
difficile que celle à laquelle étaient confrontés les pays en
développement qui ont réussi à assurer une croissance soutenue de leur
agriculture au cours des 30 dernières années. Comme on l'a vu dans les
sections I et II, les problèmes nouveaux et émergents auxquels ils se
heurtent sont de trois types et consistent à surmonter leur
marginalisation, due à l'intégration des marchés provoquée par la
mondialisation et la libéralisation, à s'adapter au changement
technologique et à faire face à un environnement institutionnel nouveau.
Mondialisation des marchés: Les PMA doivent maintenant
opérer sur des marchés mondiaux où la concurrence est beaucoup plus
intense. L'élimination progressive des barrières commerciales,
l'augmentation de la demande de produits de meilleure qualité et
l'application de taux plus élevés, l'érosion continue des préférences
commerciales et le coût de l'application des nouvelles règles
commerciales sont des problèmes qui affectent tout particulièrement la
compétitivité des producteurs des PMA sur les marchés aussi bien
nationaux qu'internationaux. Du fait de la mondialisation et de la
libéralisation, les PMA deviennent également plus vulnérables aux
fluctuations des marchés mondiaux car leurs économies n'ont qu'une
envergure réduite et car ils sont de plus en plus tributaires des
importations pour leurs approvisionnements alimentaires. Leurs problèmes
ont été aggravés par le déclin à long terme des prix réels de leurs
principales exportations de produits primaires, malgré les quelques
améliorations de courte durée enregistrées au début des années 90.22
La dégradation concomitante des termes de l'échange des produits de
base a réduit à la fois l'intérêt d'une production de produits
d'exportation et les gains et effets de stimulation de l'économie
provenant de cette production.
Défis technologiques. Pour suivre l'augmentation de la
demande intérieure de produits alimentaires, faire le nécessaire pour
améliorer la compétitivité et en définitive élever les revenus ruraux,
il est indispensable d'améliorer la productivité de l'agriculture. Comme
on l'a vu dans la section I, la plupart des PMA n'en sont qu'à un stade
peu élevé de développement technologique dans l'agriculture, et les
possibilités d'améliorer la productivité sont immenses. Le plus souvent,
toutefois, une croissance soutenue de l'agriculture exige plus qu'une
simple "révolution verte". Il faut en particulier investir beaucoup dans
l'irrigation et l'infrastructure rurale, la valorisation des ressources
humaines et les institutions. Les nouveaux progrès de la biotechnologie
risquent de menacer encore plus les perspectives d'une expansion mue
par les exportations si les nouvelles technologies se traduisent par une
amélioration marquée de la productivité dans les pays plus avancés, ce
qui aura pour effet d'accroître la production, de faire baisser les prix
et de donner à ces pays un avantage compétitif sur les producteurs des
PMA.
Environnement institutionnel. L'environnement
institutionnel, tant national qu'international, est très différent aussi
de ce qu'il était par le passé. Comme on l'a vu dans la section II, le
commerce international est soumis aux disciplines de l'OMC et se réalise
dans un contexte mondialisé. Les rôles et les modalités d'action du FMI
et de la Banque mondiale ont changé eux aussi parallèlement aux
programmes de libéralisation et d'ajustement structurel réalisés dans
leurs pays membres. La conséquence la plus importante de cet état de
choses a peut-être été la contraction considérable du rôle du secteur
public dans la recherche agronomique et la vulgarisation agricole ainsi
que sur les marchés des produits et les marchés financiers. Pour
inefficient et inefficace qu'il ait souvent pu être, le rôle qu'ont joué
les interventions de l'État pour appuyer l'expansion de l'agriculture
est aujourd'hui clairement reconnu, ce qui a conduit, par exemple, à
proposer de reconsidérer les résultats qu'avaient donnés les organes
étatiques de commercialisation en Afrique.23
Néanmoins, la tendance actuelle, parmi les donateurs et dans les PMA
eux-mêmes, n'est pas à appuyer l'effort tendant à impliquer l'État dans
la recherche de solutions novatrices à certains des problèmes
institutionnels qu'il a réussi à résoudre par le passé. De plus,
certains donateurs et gouvernements voient dans l'échec des tentatives
qui ont été faites précédemment de stimuler le développement agricole la
preuve qu'un appui des pouvoirs publics à l'agriculture n'est pas un
élément prioritaire dans la recherche d'une expansion économique large
de nature à réduire la pauvreté, attitude qui se reflète dans la
diminution de la proportion de l'APD allouée à l'agriculture.
Indépendamment de toutes ces difficultés, quelques possibilités
nouvelles s'offrent aussi à l'agriculture dans les PMA. Les nouvelles
technologies ont réduit le coût des communications dans des proportions
spectaculaires, ce qui devrait profiter aux régions reculées et peu
peuplées où le réseau routier est déficient. La biotechnologie (sous
réserve de précautions appropriées) offre des possibilités d'accélérer
le progrès technologique si l'on investit suffisamment dans leur
application aux cultures et aux problèmes des PMA. En outre, la
mondialisation des marchés et la mise en oeuvre des accords commerciaux
devraient apporter des avantages aux exportateurs des PMA si l'on peut
les aider à surmonter les contraintes qui les empêchent d'accroître leur
production et d'améliorer leur compétitivité. Il se peut que les
décideurs reviennent peu à peu à une conception plus équilibrée et plus
nuancée de l'importance de l'agriculture et du rôle que peut jouer (et
des inconvénients que peut avoir) un appui de l'État.
C. MESURES À PRENDRE POUR ACCÉLÉRER LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DES EXPORTATIONS
L'on trouvera ci-après quelques recommandations de caractère
général touchant les politiques qui pourraient être adoptées au plan
national et les mesures mises en oeuvre au plan international pour
éliminer les goulets d'étranglement au niveau de l'offre, améliorer la
compétitivité et atténuer la pauvreté et l'insécurité alimentaire dans
les PMA. Les politiques proposées pourront être d'une utilité très
différente d'un pays à un autre, selon la nature de leurs problèmes de
développement agricole, de leurs bases de ressources et leur situation
économique.
1. Mesures et stratégies de caractère général tendant à appuyer
le développement de l'agriculture
Premièrement, il faut s'attacher surtout à accroître la
production de biens exportables, élément indispensable à la croissance
de l'agriculture et normalement moteur de l'expansion. Il importe pour
cela de mettre en oeuvre une série de politiques macro-économiques
adaptées à la situation économique spécifique du pays, adopter des
technologies appropriées eu égard à la situation actuelle des
exploitations et mettre en place une infrastructure de communication,
des mécanismes de commercialisation et des institutions de nature à
faciliter l'accès des agriculteurs aux crédits de campagne, aux capitaux
à plus longue échéance et aux intrants et à leur assurer des prix
pouvant encourager la production. Pour déterminer les rôles que devront
jouer à cet égard les organismes gouvernementaux, les donateurs, les
organisations de la société civile et les entités commerciales, il
faudra mettre en oeuvre une approche ingénieuse et novatrice mettant
davantage l'accent sur l'appui des pouvoirs publics et la diffusion des
pratiques optimales (comme c'est le cas, par exemple, dans le cadre du
programme de partenariats Sud-Sud de la FAO).24
La technologie, l'utilisation des ressources, les institutions,
les connaissances et les marchés doivent être adaptés pour pouvoir
éliminer les goulets d'étranglement ou les contraintes qui affectent les
différents systèmes de produits, résoudre les problèmes que pose
l'épuisement ou la dégradation des ressources naturelles et tirer parti
des possibilités nouvelles grâce à un effort de diversification. Les
moyens locaux de recherche technologique peuvent être importants à cet
égard mais, comme indiqué dans les paragraphes précédents, il faudra
aussi mettre en place des politiques et des institutions pouvant
permettre aux agriculteurs d'avoir plus facilement accès aux ressources.
Dans ce cas également, toute une série d'acteurs différents devront
sans doute appuyer le processus de changement, dans lequel les pouvoirs
publics pourront jouer un rôle institutionnel de premier plan. La
réforme foncière est une forme extrêmement controversée de
transformations institutionnelles à laquelle il n'a guère été accordé
d'attention dans le présent document, mais cela ne veut pas dire que les
systèmes fonciers ne puissent pas constituer un obstacle sérieux à la
croissance dans des cas particuliers.25
Une croissance soutenue de l'agriculture peut également être
facilitée par, en particulier, les liens qui encouragent la production
de produits qui, dans la plupart des PMA, sont des produits non exportés
(récoltes, produits de l'élevage et produits forestiers) destinés à la
consommation locale. Elle pourrait être facilitée aussi par les
économies d'échelle rendues possibles par des investissements plus
systématiques dans l'infrastructure rurale et par l'utilisation par les
agriculteurs, sur la base d'arrangements institutionnels appropriés, du
matériel acquis ou mis au point pour la production de récoltes
commerciales afin d'accroître la production destinée aux marchés locaux.
Pour résoudre les problèmes nouveaux auxquels est confrontée
l'agriculture dans les PMA, les pouvoirs publics devront s'attacher plus
activement à comprendre et à promouvoir les processus qui peuvent
appuyer la recherche agronomique. En outre, une protection tarifaire
pourrait s'avérer nécessaire pour mettre les agriculteurs des PMA à
l'abri de certains des effets les plus néfastes de la mondialisation et
pour encourager la production nationale. Il importe par ailleurs de
renforcer le rôle que joue l'État dans la promotion d'arrangements
institutionnels efficients et efficaces pour permettre aux agriculteurs
d'avoir plus facilement accès à des crédits de campagne ainsi qu'aux
marchés des intrants et des produits. Il faudra enfin poursuivre la
réforme des règles commerciales internationales pour faire en sorte que
les PMA puissent jouer un rôle plus actif sur les marchés mondiaux des
produits agricoles.
2. Mesures recommandées aux échelons national et international
Pour résoudre les problèmes nouveaux qui se posent dans
l'agriculture et intégrer davantage les PMA à l'économie mondiale, il
faudra mettre un accent plus marqué sur le développement agricole et
rural. Avec l'appui de leurs partenaires de développement, les
gouvernements des PMA pourront être appelés à formuler ou à réviser
leurs stratégies de développement agricole et devront les mettre en
oeuvre efficacement. Parmi les éléments fondamentaux et les priorités de
ces stratégies, il faudra placer un accent plus soutenu sur les
incitations macro-économiques et sectorielles; renforcer les capacités
institutionnelles; accroître de façon durable la productivité et la
compétitivité; diversifier la production et les exportations et
améliorer l'accès aux marchés étrangers.26
Cette sous-section contient un bref aperçu de ces priorités, et
en particulier des principales mesures qui devront être adoptées pour
accroître les ressources mises à la disposition de l'agriculture et les
utiliser plus efficacement.
2.1 Politiques macro-économiques et sectorielles
Ce que devront faire les PMA, c'est établir un cadre de
politiques générales qui soit stable et efficace afin d'encourager les
investissements dans l'amélioration de la productivité de l'agriculture
et qui facilite les transformations structurelles nécessaires. Nombre de
PMA ont adopté pour politique de déréglementer les marchés agricoles,
de réduire les distorsions de prix et de permettre au secteur privé de
jouer un rôle accru. Les politiques macro-économiques constituent un
moyen important d'appuyer la croissance de l'agriculture. Des prix (y
compris des taux de change et des taux d'intérêt) stables sont
importants pour donner confiance aux investisseurs nationaux et
étrangers et pour permettre aux agriculteurs et aux négociants de
prendre en pleine connaissance de cause des décisions engageant
l'avenir. Simultanément, des taux de change réalistes, des droits de
douane peu élevés et des systèmes de prix efficaces sont indispensables
si l'on veut que les producteurs et consommateurs de denrées agricoles
se trouvent en présence d'incitations de prix et autres qui reflètent
les avantages comparatifs, les coûts d'opportunité et le coût des
ressources et encouragent une utilisation productive des ressources et
les investissements.
De telles mesures, bien que nécessaires, ne sont pas
suffisantes, pour encourager les investissements, il faut aussi
améliorer l'accès aux marchés, assurer la diffusion de l'information,
fixer des normes et mettre en place un cadre juridique et réglementaire
adéquat. Il faut également assurer une solide complémentarité entre les
investissements publics et privés pour soutenir l'expansion agricole,
les pouvoirs publics devant investir dans les secteurs comportant un
important élément biens publics comme la recherche, la vulgarisation et
l'infrastructure, et en particulier les routes, l'éducation et les
normes.
2.2 Institutions
Les pays moins avancés doivent formuler des politiques et des
mesures visant à renforcer la capacité de leurs institutions d'opérer
efficacement. Les faiblesses qui caractérisent la structure et les
capacités des institutions rurales et autres sont une des raisons pour
lesquelles les réformes des politiques économiques n'ont pas réussi
comme on l'espérait à accroître la production agricole globale dans
nombre de PMA d'Afrique.27
L'évolution rapide des technologies agricoles, des spécialisations et
du commerce international exige l'existence d'une série complexe
d'institutions. Les pouvoirs publics doivent recenser les besoins en la
matière et déterminer quels doivent être les rôles respectifs du secteur
public et du secteur privé et comment les deux peuvent se compléter.
Les institutions politiques, juridiques et économiques jouent un rôle
majeur dans la détermination des politiques aussi bien macro-économique
que sectorielles. Pour améliorer la formulation et la mise en oeuvre de
ces politiques, de profondes réformes institutionnelles s'imposent
souvent.
La croissance du secteur agricole exige la mise en place
d'arrangements institutionnels appropriés pour surmonter les contraintes
auxquelles les produits agricoles se heurtent sur les marchés (par
exemple des arrangements contractuels spécifiques entre agriculteurs et
négociants). Eu égard à la baisse des prix mondiaux réels des principaux
produits agricoles exportés par les PMA, il importe au plus haut point
d'améliorer les mécanismes qui répercutent les prix internationaux sur
les producteurs nationaux. Les opérations d'un secteur privé de plus en
plus compétitif sur ces différents marchés de produits ont réduit les
marges et accru les rendements pour les producteurs.
2.3 Amélioration de la productivité et de la compétitivité
Le cas de pays ayant une base agro-écologique semblable à celle
des PMA - maïs au Zimbabwe, riz au Viet Nam, horticulture au Kenya,
cacao en Côte d'Ivoire et coton et riz au Mali - démontre qu'il existe
dans les PMA aussi des possibilités considérables d'améliorer la
productivité agricole. Les succès limités mais prometteurs remportés par
d'autres pays peuvent servir de modèle aux PMA. Les recherches ont
montré que non seulement les termes de l'échange intérieurs à
l'agriculture mais aussi le contenu des intrants en capital constituent
les principaux éléments déterminants de la productivité et de la
compétitivité de l'agriculture. Il importera à cet égard de promouvoir
le développement de l'infrastructure rurale, de renforcer les services
de recherche et de vulgarisation, de valoriser le capital humain en
milieu rural grâce à des services d'éducation et de santé, de faciliter
l'accès aux ressources productives et de préserver la capacité de la
base de ressources naturelles et de l'environnement d'entretenir
l'amélioration de la productivité. Si les réformes en cours dans les PMA
ont tendu surtout à améliorer les politiques macro-économiques et les
politiques des prix, les faiblesses dans ce domaine ne pourront être
surmontées qu'au moyen d'une augmentation substantielle des
investissements dans l'agriculture des secteurs aussi bien public que
privé.
À cette fin, il faut mettre en oeuvre une série appropriée et
judicieusement échelonnée dans le temps d'éléments comme les suivants:
- des politiques macro-économiques rationnelles et stables;
- des technologies qui sont productives et robustes au niveau de l'exploitation;
- un environnement institutionnel solide;
- une infrastructure des communications, des marchés et des arrangements institutionnels permettant aux agriculteurs d'avoir accès aux crédits de campagne, aux capitaux à plus long terme et aux intrants nécessaires et de nature à garantir des prix constituant un solide encouragement.
Il importe au plus haut point d'éliminer les contraintes l'une
après l'autre. Lorsque l'augmentation de la production entraînée par une
réforme ou un changement de circonstance atteint un plateau, il faut
mettre en oeuvre une autres réforme ou une autre série de réformes pour
continuer à tirer parti du potentiel inexploité. Une croissance soutenue
n'est possible que si les contraintes qui restent sont atténuées grâce à
la poursuite des réformes. Il faudra également créer des moyens
dynamiques d'adaptation des technologies, de l'utilisation des
ressources, des institutions, du savoir et des marchés pour éliminer peu
à peu les goulets d'étranglement ou les contraintes qui affectent les
différents systèmes de production, faire face aux problèmes posés par
l'épuisement ou la dégradation des ressources naturelles et diversifier
la production pour exploiter les nouvelles possibilités qui se
présentent.
Les pouvoirs publics devront s'attacher plus activement à
comprendre et à promouvoir les processus qui encouragent la croissance
de l'agriculture et mettre un accent plus prononcé sur la recherche
agronomique afin de résoudre les problèmes auxquels se heurtent les
agriculteurs dans les domaines autres que ceux touchés par la révolution
verte. Il semblerait qu'il faille nuancer davantage le rôle qui revient
à l'État pour ce qui est de promouvoir l'établissement d'arrangements
institutionnels efficients et efficaces pour aider les agriculteurs à
avoir accès aux crédits de campagne et aux marchés des intrants et des
produits. Enfin, il faudra continuer de réformer les règles commerciales
mondiales qui empêchent les PMA de participer plus pleinement à
l'activité sur les marchés mondiaux.
2.4 Diversification de la production et des exportations
Une dépendance excessive à l'égard d'une gamme étroite de
produits a plusieurs conséquences importantes: elle expose indûment les
agriculteurs aux vicissitudes du climat, aux ravageurs et aux maladies
ainsi qu'aux fluctuations de prix; entraîne des fluctuations des revenus
agricoles et des recettes publiques; contribue à la dégradation de
l'environnement; peut empêcher de tirer parti des complémentarités (par
exemple entre l'élevage et les cultures); et a un impact négatif sur le
régime alimentaire et la santé. En outre, l'expansion dans ce secteur
est entravée par les termes de l'échange défavorables des produits
agricoles primaires.
Il est manifestement indispensable de diversifier la base de
production et d'exportations (aussi bien horizontalement que
verticalement) pour l'orienter vers des produits à plus forte valeur
ajoutée. Le problème consiste à lancer et à entretenir le mouvement de
diversification pour exploiter le potentiel considérable qui existe
indubitablement.
Il faudra mettre en oeuvre d'innombrables mesures à différents
niveaux, les plus importantes étant: le maintien d'un environnement
macro-économique et politique stable et prévisible; l'établissement d'un
cadre réglementaire équitable et ouvert; l'amélioration de l'efficacité
des institutions financières; le renforcement des services de recherche
et de vulgarisation en vue de la mise au point et de l'adoption de
technologies pertinentes; l'amélioration des services ruraux; le
renforcement de l'infrastructure de commercialisation, de transport et
de communication; et la mise en valeur des ressources humaines.
Les domaines et les produits sur lesquels devraient être ciblés
les programmes de diversification devraient être sélectionnés sur la
base de leur rentabilité potentielle ainsi que de leur viabilité
technique. Il faut appliquer une approche multidisciplinaire et
holistique à tous les aspects de la diversification, et pas seulement à
la production. Les activités à entreprendre dans ce domaine concernent
non seulement les technologies de production au niveau de l'exploitation
mais aussi les contraintes en amont et en aval qui entravent la
production comme la fourniture d'intrants, les services consultatifs
techniques, l'entreposage, le traitement et la commercialisation. Si,
dans les PMA, la mise en oeuvre de ces programmes aura exigé une
augmentation rapide de la productivité, l'approche suivie devra être
globale pour tenir compte dans une optique intégrée de tous les
principaux aspects qui affectent la diversification.
168. Le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) de la
FAO a montré que beaucoup de PMA ont de larges possibilités de
diversifier leur production et leurs exportations dans les cultures
arbustives, la pêche, l'élevage de petits animaux et les
agro-industries. La production peut être diversifiée grâce: i) à
l'introduction de l'aquaculture, au développement de la pêche
artisanale, à l'élevage de petits animaux (volaille, moutons, chèvres,
cochons, etc.), la plantation de cultures arbustives et à des cultures
mixtes de récoltes de plein champ et d'arbres; ii) à une formation à
l'utilisation des résidus de récoltes pour l'alimentation des animaux;
iii) à l'introduction de méthodes bon marché de lutte contre les
maladies animales; iv) à un appui aux activités post-production pour
promouvoir les activités génératrices de revenus; et v) au développement
des agro-industries.
Par ailleurs, il faudrait encourager la diversification des
exportations dans des produits plus nouveaux et, si possible, de plus
grande valeur. Les partenaires commerciaux des PMA peuvent faciliter ce
processus en maintenant les régimes d'accès préférentiel aux marchés de
ces exportations et, lorsqu'il y a lieu, en réduisant la progressivité
des droits sur les produits agricoles traités pouvant être exportés.
2.5 Accès aux marchés étrangers
Jusqu'à présent, l'application de l'Accord sur l'agriculture ne
s'est pas traduite par une amélioration marquée de l'accès aux marchés
des PMA, et ce pour les raisons indiquées ci-dessus, comme la
persistance de crêtes tarifaires et de la progressivité des droits et
des normes SPS élevées appliquées sur leurs principaux marchés
d'exportation. Néanmoins, le principal problème auquel se heurte
l'agriculture dans les PMA tient à l'érosion des préférences
commerciales non régionales dont ces derniers ont joui jusqu'à présent.
Beaucoup de pays, aussi bien développés qu'en développement, ont exprimé
leur intention de leur accorder un traitement plus favorable. Les pays
de la Quadrilatérale, par exemple, ont proposé d'appliquer à tous les
produits ayant leur origine dans des PMA, conformément aux besoins
intérieurs et aux accords internationaux, un accès en franchise de
droits et de contingents dans le cadre de leurs régimes préférentiels
respectifs.
Dans le contexte des négociations en cours sur l'agriculture,
les PMA cherchent surtout à faire en sorte que les négociations se
traduisent par une amélioration tangible de l'accès aux marchés de leurs
exportations, et surtout de celles ayant un fort potentiel de
croissance. S'ils se félicitent du consensus qui commence à se dégager à
l'OMC sur l'accès de leurs produits aux marchés étrangers en franchise
de droits et de contingents, ils considèrent que ces engagements
devraient être contraignants et applicables à tous leurs produits. 28
Ils font valoir que les concessions qu'ils pourront obtenir en ce qui
concerne l'accès de leurs produits aux marchés devraient être
prévisibles et ne pas être soumises à des modifications indépendantes.
Les autres pays en développement, ainsi que les pays de l'OCDE,
pourraient améliorer l'accès des produits des PMA à leurs marchés
agricoles, en, entre autres: i) réduisant les droits de douane et
réduisant ou supprimant les subventions à l'exportation; ii) réduisant
la progressivité des droits; et iii) encourageant les courants
d'investissements étrangers directs vers les PMA afin d'améliorer le
transfert de technologies et de connaissances.
2.6 Les règles commerciales multilatérales applicables à l'agriculture
Le régime commercial de l'OMC offre des facilités nouvelles aux
PMA mais leur cause également des problèmes. Si l'on veut que ces pays
puissent exploiter pleinement leur potentiel agricole, ils devront, tout
comme les autres membres de l'OMC, faire porter leur attention sur les
éléments suivants:
Formulation de règles favorables aux PMA. Les règles de l'OMC
devraient appuyer le développement des PMA. En particulier, elles
devraient être adaptées aux institutions, au capital humain et à
l'infrastructure de ces pays pour qu'ils puissent bénéficier pleinement
du système commercial multilatéral. Les préoccupations spécifiques des
PMA doivent être reflétées dans la structure, le cadre et les objectifs à
long terme de l'Accord sur l'agriculture.
Renforcement des capacités dans le domaine du commerce extérieur.
Les PAM n'ont ni les capacités institutionnelles ni les ressources
humaines nécessaires pour résoudre tous les problèmes ou tirer
pleinement parti des possibilités qui découlent du système commercial
multilatéral et pour participer pleinement, sur un pied d'égalité, aux
nouvelles négociations de l'OMC sur l'agriculture. Il est donc essentiel
de leur fournir une assistance technique et financière pour les aider à
renforcer leurs capacités, spécialement dans les domaines ci-après:
- Développement et renforcement des capacités institutionnelles d'appliquer les normes internationales, par exemple en matière d'innocuité et de qualité des produits alimentaires;
- Renforcement des capacités de négociation dans le contexte des négociations multilatérales, en particulier en les aidant à résoudre les problèmes que suscite l'exécution de leurs engagements au titre de l'OMC, notamment pour ce qui est d'appliquer les décisions en leur faveur et de tirer parti des possibilités d'échanges qui se présentent;
- Renforcement de leur capacité d'analyser les problèmes commerciaux dans le contexte de la poursuite du processus de réformes;
- Fourniture d'une assistance aux pays non membres de l'OMC pour qu'ils puissent y adhérer à des conditions correspondant à leurs besoins en matière de développement et de sécurité alimentaire;
- Mise en oeuvre du Cadre intégré d'assistance technique aux PMA dans le domaine du commerce prévu dans le Plan d'action de l'OMC en faveur des PMA adopté en 1996 lors de la Première Conférence ministérielle de cette Organisation.
2.7 Assistance extérieure
Les PMA manquent sérieusement des ressources internes
nécessaires pour procéder aux investissements qu'exige la réalisation de
leurs objectifs de développement dans le secteur de l'agriculture, y
compris l'objectif consistant à réduire de moitié, d'ici à 2015, le
nombre de personnes sous-alimentées. Une assistance extérieure est
nécessaire pour accélérer l'amélioration de la productivité agricole,
qui dépendent de la disponibilité de nouvelles technologies et de
nouvelles pratiques de culture viables qui ne continuent pas à dégrader
la base de ressources naturelles.
L'expérience a montré que l'assistance extérieure a beaucoup
contribué au développement de l'agriculture dans presque tous les cas.
Elle a joué un rôle critique dans la révolution verte et a toujours été
un élément clé des efforts de développement des institutions. Si l'on
veut que l'objectif de réduction de la pauvreté que se sont fixés les
donateurs soit atteint, il faudra que l'assistance extérieur au secteur
agricole dans les PAM revienne et même dépasse ses niveaux antérieurs.
Dans ce contexte, et étant donné l'importance que revêt
l'agriculture pour la réduction de la pauvreté et l'expansion économique
dans les PMA, les initiatives actuelles tendant à fournir une
assistance financière aux PMA grâce à des programmes ciblés d'allégement
de la dette et à d'autres types d'appui pourraient être orientées de
manière à appuyer les efforts que déploient ces pays pour exploiter
durablement leur potentiel agricole.
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